Vos lectures !

My turn.

Plus que d'un bouquin en particulier, je vais parler d'un auteur. C'est assez rare que j'accroche à la totalité des œuvres d'un auteur lorsque les univers dans lequel se déroule ses livres sont différents, mais pour le coup c'est un vrai coup de coeur.

Donc, le monsieur s’appelle Alain Damasio et, pour une fois ! c'est un auteur français de SF/fantastique. Ses histoires sont le plus souvent tournés vers l'anticipation politique ou la contre-utopie, se déroulant dans des mondes qui pourraient être très proches du notre et en soulignant les défauts ou les dangers qui guettent dans un futur proche.

Mais outre cet aspect très orienté, ses écrits se révèlent incroyablement travaillés et poétiques, focalisés sur le pouvoir évocateur de néologismes forgés pour l'occasion et sur la musicalité des mots. Cette musicalité associée à la richesse des descriptions, à la solidité des personnages et à l'intensité du récit donnent des textes très sensoriels, dans lesquels il est plutôt facile de se perdre sans voir passer le temps.

Le sieur n'a que peu d’œuvres à son actif, ce qui est assez facilement compréhensible lorsqu'on voit la complexité de chacune au final (et pas qu'au nombre de pages !).



Son premier livre se nomme la Zone du Dehors, écrit en 1999 et retravaillé par la suite en 2007. C'est un pur roman d’anticipation qui s’intéresse aux sociétés de contrôle sous le modèle démocratique. Il nous plonge dans un futur avancé où, la Terre souffrant des retombées d'une guerre entre les nations puissantes, quelques heureux élus ont pu s'échapper et vivent désormais dans une colonie établie sur l'une des lunes de Saturne.

La vie des habitants y est insidieusement contrôlée et surveillée par... eux-mêmes, le système qui contrôle la colonie n'étant que le fruit du besoin de se rassurer, de planifier, d'assoir son confort, etc. Face à cette autodictature douce, un petit groupe de rebelles, "La Volte", se dresse cependant et essaye de secouer la colonie, de faire comprendre à ses habitants qu'à force de trop vouloir aplanir leur vie, ils en perdent tout le sens.

Dans le livre, on suit donc l'un des leaders de la Volte dans son combat, un combat qui l'emmènera... un peu plus loin que prévu au final !




Le deuxième des livres dans l'ordre chronologique, sorti en 2004, est aussi le premier que j'ai lu et celui qui m'a vraiment fait accrocher au style de l'auteur. Cette fois, moins d'implication politique même si le message de fond est plein d'allégories portant, encore une fois, sur nos vies actuelles. C'est un ouvrage résolument fantasy, qui plonge dans un monde très particulier !

Imaginez un monde semblable à une bande de terre, bordée à gauche et à droite de glaces infranchissables, dont la géographie suit globalement une pente douce, et balayé par des vents aussi changeant que traîtres, donc la force et le potentiel meurtrier va en s'accroissant lorsque l'on tente de se rapprocher de l'Amont. L'humanité vit donc pour la grande majorité entassée dans l'Aval, qui avec les ans en est venu à former un genre de gigantesque mégalopole.

Néanmoins, depuis huit siècles, des équipes d'explorateurs sont régulièrement envoyés en direction de l'Amont. Formés depuis leur plus tendre enfance, ces aventuriers sont rompus à l'art de traverser les plaines en contrant les vents et leur but n'est autre que d'atteindre le bord du monde, le mythique Extrême-Amont, la source de tous les vents et, dit-on, le lieu où serait détenu le secret de la vie.

Le livre retrace donc l'épopée de la 34e Horde à travers un monde aux lois étranges. On suit un groupe soudé, tellement soudé que les liens en sont presque viscéraux, de pas moins de 23 membres, tous différents et avec chacun leur rôle propre.

Le principal trait de génie de l'ouvrage réside dans le fait l'histoire se suit à travers les yeux (et les écrits, donc) de pratiquement tous les personnages, et que le changement de "voix" se repère au style littéraire et à la présence d'un symbole particulier qui identifie chacun. C'est très dépaysant au début mais on s'y fait aussi très vite.

Une autre particularité est que le livre est numéroté à l'envers... Et bien évidemment, on comprend la raison de ce choix arrivé à la fin du livre (non, pas d'intervention du Vol de Bronze là-dedans).

A noter également l'énorme travail sur les néologismes, sur les descriptions qui font passer des sons et des sensations plus que des images parfois, et sur la monstrueuse joute orale qui se déroule aux deux tiers du roman à peu près et qui est pratiquement entièrement écrite (un duel de palindromes, une joute portant sur la lettre O et j'en passe, c'est assez bluffant).